neben des halben kamin

Matthias Ruthenberg

Commissariat de François Génot

du au

Commissariat de François Génot

Matthias Ruthenberg est un vent de fraicheur pour le milieu artistique messin. C’est l’esprit de Berlin qui s’invite d’une belle humeur curieuse et généreuse. Un artiste vegan-musicien-tatoueur qui dessine-grave-écrit et édite multiples, livres et autres objets sonores non identifiés. Ce qui interpelle chez Matthias c’est sa capacité à faire dialoguer dans le quotidien ses pratiques de la musique, du tatouage, de l’édition, de l’art et des rencontres qui décloisonnent les réseaux.
Mais c’est avant tout son dessin qui touche, au croisement de la ligne et des mots, de la partition et des listes, des traces et du quadrillage. Une balance entre le trait initial balbutiant et une maitrise virtuose de l’essentiel. A la fois sensible et fort sans jamais être trop sérieux. L’empirisme apparent de ses dessins/poêmes semble pourtant nous rappeler quelque chose, comme une rupture des codes et des cases. Signifier dans et par le mouvement du tracé, faire sentir un tempo. Ces dessins sont des cartes à lire “sur le fil“.
Adepte du DIY, féru de matériaux et outils du quotidien, collectionneur de cahiers et de vieux papiers, il semble inventer des disciplines alternatives et “low-cost“. Iconoclaste et engagé, il nous invite avec humour à reconsidérer les signes auxquels nous accordons notre confiance. Il se glisse dans les anfractuosités des normes et des cases pour élargir les espaces possibles, résister aux injonctions de l’ordre, créer des alternatives, respirer et prendre l’air.


« S’il pouvait penser le cœur s’arrêterait » Fernando Pessoa
Les néons éclairent un mur blanc et froid. Un mur brutal. Son approche est une injonction à plonger dans la surface lisse, verticale et stérile. C’est un mur qu’on a rendu invisible et qui pourtant rempli sa fonction. Mur traitre. Voir encore de plus prêt un monde lessivé, un monde si propre qu’on s’y reflète. Le miroir, la camera, la grille, la case, la norme, le contrôle.

Les démocraties malades ferment les lieux de culture et font taire les poètes.

Une ligne de marbre noir, vestige affleurant, dépasse de la paroi. Elle la traverse comme pour signaler la résistance des lieux face à ce mur dressé, à cette page forcée. Une ligne minérale à la matérialité sensible et tangible qui semble se noyer inexorablement dans la surface éthérée.

Un dessin tout de même, une liste dérisoire de quelques mots, une liste de course, faite de lettres évidées sur une surface moirée de couleurs chaires. Un doute, un message, une affirmation, un manifeste, une alternative. La feuille évidée est faite d’un assemblage de pages d’un passeport, traversé de deux vis.

Le (re)confinement a commencé le dernier jour d’octobre, les frontières sont fermées, une voix dicte les chiffres, donne les ordres, les contrôles cadrent, on se réorganise, on resserre les rangs, garder confiance, il y a du sens, la résistance dans l’atelier, la résistance sensible…

Les murs sont biens réels, ils sont faits de parois et d’ossatures. Ils sont durs et les mots ou les entailles ne suffisent pas à les faire tomber. La poésie est évanescente et pourtant elle inspire des possibles, prend soin des cœurs.

L’envers du décor. Prendre le temps de comprendre comment et pourquoi.

Se retrouver, être chez-soi, être avec soi, et cultiver des univers. C’est la maison que l’on cherche. Habiter comme une pratique au quotidien. La chambre noire, l’antichambre, ce sas intérieur à la mélancolie douce et inspirante. Le théâtre des opérations discrètes.

Ici La lumière est faible, chaleureuse. Des notes, des voix s’évaporent, nous rassurent et nous disent que c’est normal, que tout va bien. Que la vie est là, tout près, toute prête. On entend des amitiés chuchoter, on entend que le monde est vaste et qu’il n’y a pas de frontières.

Fall song, Sad poésie, Ironisches heft.

La cheminée coupée en deux est éteinte mais sa présence réchauffe la maison. Le souvenir de l’âtre où disparaissent les secrets et les papiers. Lieu inversé.

Derrière le mur dans l’appartement de Berlin, le poêle absorbait la coke noire et donnait la chaleur.

Des surfaces gravées comme des cris, des affaires courantes, les affres et les leurres. Les jours qui passent. C’est entre les grilles du calendrier qu’il est possible d’augmenter les mois, qu’on parvient à dilater le temps. Un temps nécessaire pour renouer avec les enjeux simples de la vie absorbés dans le tourbillon des protocoles.

Septembre, Octobre, Novembre, Novembre, Novembre…

Texte de François Génot, Commissaire de l’exposition.

Condition d’accès : Uniquement sur RDV, du jeudis au samedis de 15h à 17h30. Changement d'horaires en raison du couvre feu en Moselle.